- Monsieur le vice-président de la Cour
- Honorables Juges
- Monsieur le Greffier
- Mesdames et Messieurs les fonctionnaires du greffe
Je voudrais, sans jeu de mots, à l’orée de mon propos, vous dire ma joie de vous retrouver tous en ce jour qui marque le lancement de notre session ordinaire. Cette période de labeur est toujours un moment de communion que la distance physique ne saurait altérer car c’est de l’effort commune que naissent la solidarité, la fraternité. Sans elles, rien de grand ne peut être construit chacun allant dans le sens qui lui convient au contraire de la synergie des efforts, gage du succès. Que nous soyons différents dans nos approches, quoi de plus normal à partir du moment où nous poursuivons l’objectif commun, celui de la réalisation de la
Justice, cette oeuvre sublime, dont le caractère transcendantal doit nous faire mesurer l’honneur et la responsabilité qui est la nôtre d’y contribuer par participation.
Sous ce rapport, comment ne pas saluer, avec une immense gratitude, le travail effectué par tous, les Juges, qui en sont la figure emblématique, mais surtout le greffe qui a abattu un travail, dont la compétence technique juridique et technologique le disputait à l’esprit d’innovation, et qui ont permis de faire de cette première session un succès absolu. La capacité d’adaptation est l’autre nom de l’intelligence et vous l’avez prouvé avec éminence. Je vous encourage tous à persévérer. A cet égard, j’invite le Greffe à explorer les voies pour faciliter le travail du personnel et des Juges au regard des difficultés du moment.
C’est le lieu, en raison de la persistance de l’épidémie du COVID 19, d’avoir à l’esprit que la session de novembre se tiendra en ligne et que le travail continuera sans doute dans ces conditions jusqu’à la fin de l’année. Il vous appartient cependant, chers collègues, d’apprécier la possibilité, l’année prochaine, de la reprise en présentielle de nos sessions, le tout avec le respect des mesures dites barrières.
Au reste, les effets « collatéraux » de la pandémie mondiale vont au-delà des conditions de la tenue de nos sessions. Ils pourraient avoir des effets sur la substance de la Justice. Qu’il nous suffise à cet égard de considérer les conditions de l’existence et de l’efficacité de cette justice et sa continuité qui est le socle de la protection de ses usagers.
Sur les conditions de son existence et de son efficacité, il faut souligner que le budget 2020 de la Cour a fait l’objet de coupe sombre et consistante nous obligeant à serrer la ceinture alors que c’est dans les circonstances de crises que la Justice doit être au centre de toutes les attentions. Ce n’est sans pas sans raison que le droit au procès équitables est au centre des droits insusceptibles de dérogation. On peut noter avec satisfaction que le COREP, sur notre saisine, a recommandé, au Conseil Exécutif de réexaminer sa décision d’interdire la possibilité
pour la Cour de recevoir l’aide de bailleurs de fonds durant cette période. Nous l’en remercions.
Sur la continuité de la Justice, comme nous le savons, le mandat du bureau de la Cour vient à expiration et les circonstances n’ont pas permis l’élection de nouveaux Juges. Le principe sacro-saint de la permanence de Justice nous a obligé à prendre position sur le risque de vide juridique, notion incompatible avec l’essence de la judicature. A cet égard, après un briefing du Greffe et des notes adressées aux Juges sur les différentes options, vous avez décidé massivement fait droit en renouvelant votre confiance du bureau sortant dans des termes élogieux et une appréciation louangeuse dont nous vous sommes reconnaissants. Mais en réalité, le mérite vous reviens tant il est aisé et agréable de diriger une équipe de Juges sages, rigoureux, intègres, humains et ouverts au dialogue. Recevez l’hommage de notre gratitude et l’expression de notre engagement à continuer ce ministère au service de la Cour.
Chers collègues,
Les éléments qui dessinent les traits spécifiques des défis de la présente session sont connus. Ils se présentent sur la toile de fond d’une actualité politique marquée par des risques de conflits sur plusieurs parties de notre continent. Elections et gouvernances seront l’objet de vives préoccupations de nos contemporains dans les jours qui viennent où l’année électorale pointe à l’horizon concernant six pays de notre espace. Qu’il me soit permis de rappeler que le droit à des élections justes et le problème des migrations, des personnes déplacées et des réfugiés a été au coeur de notre dernier Dialogue judiciaire tenu en Ouganda. Naturellement, la Justice est le derniers recours tant sur le plan national que sur le plan international et de son impartialité dépendra en grande partie la paix et l’harmonie sociale. Il me semble nécessaire de rappeler à cet égard mes propos conclusifs de ce dialogue judiciaire selon lesquels, m’adressant aux Juges nationaux et internationaux je disais : « la satisfaction majeure est que vous avez, une fois de plus, affirmé, de manière unanime, l’impératif pour les Juges
de faire preuve de courage, d’indépendance et d’intégrité, qualités qui font leur légitimité… que ces assises aient réaffirmé cela témoigne de leur succès ».
Nous devons, quant à nous, prendre notre part, au reste primordiale, dans ce mouvement. Le faire implique, qu’outre la qualité de nos décisions qui s’améliorent au fil des sessions, une organisation plus rationnelle de nos méthodes de travail s’impose. L’augmentation des nouvelles requêtes, qui caractérise une véritable explosion judiciaire au sein du contentieux africains des droits de l’homme que nous incarnons, si elle est une marque de confiance, est surtout une interpellation à une plus grande responsabilité. Elle nous invite, sans préjudice des finalités fondamentales de la Justice pour laquelle aucun compromis n’est possible à examiner les conditions d’une célérité de nos procédures et d’une gestion plus efficace dudit contentieux. A cet égard, n’est-il opportun de porter notre attention sur la notion dite de « case management » au sens d’un formalisme raisonné , éviter l’engorgement de notre juridiction, améliorer l’instruction des procédures alléger la tâche des honorables Juges, améliorer la gestion en ligne des procès que nous avons commencée, penser à une certaine automatisation du traitement des causes, suivre en temps réel, pour les Juge et les justiciables, l’évolution des dossiers, mieux formaliser le règlement amiable, le tout, au service d’une efficacité pour le bien de l’usager de la Justice, la qualité de la Justice étant en tout état de cause préservée. Nous attendons les propositions de tous, en particulier les présentations du greffe, qui avait dans le passé élaboré un schéma à cet égard, afin de prendre de décisions claires et applicable dans des délais raisonnables.
Il en est du « case managment » comme de la mise en oeuvre des autres initiatives que nous avons engendrées tels que les travaux du Comité sur les Conseils, l’assistance judiciaire et la formation dont il nous revient d’endosser les décisions. Les questions administratives qui nous seront soumises et qui sont pertinentes participent donc, au mettre titre que les décisions judiciaires, de l’avènement d’une Justice rendue à la satisfaction de tous.
Les travaux des jours qui viennent marquerons ainsi une étape de la construction de l’oeuvre de Justice en Afrique qui s’opère par sédimentation. Que, par la vertu de notre humble participation, nous contribuons à sa grandeur.
C’est en formant le voeux augural qu’il en soit ainsi, que je déclare ouvert la 58ème session ordinaire de la Cour Africaine des droits de l’Homme et des Peuples.
Je vous remercie